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Maureen Forrester –Symphony no. 2 "Resurrection" / Mahler – 1958   Player

Article de Joseph So

Maureen ForresterDes neuf symphonies achevées de Gustav Mahler, sa seconde, sous-titrée « Résurrection », est d’une importance particulière en vertu de ses innovations tonales et harmoniques, sans oublier l’inclusion de la voix dans sa conception formelle. C’est en 1888 que le jeune compositeur de 28 ans commença son travail, qu’il envisagea d’abord comme un poème symphonique en un seul mouvement; puis, il en ajouta trois autres au cours des cinq années suivantes, pour la compléter enfin en 1894. Cette longue et tortueuse période de gestation est imputable à de nombreuses pannes d’inspiration, dues en partie à de profonds doutes sur son talent de compositeur, doutes exaspérés par les dures critiques de ses œuvres exprimées par ses pairs, dont Hans von Bülow. Pourtant, l’ironie du sort voulut que Mahler composa le finale qui lui manquait après avoir assisté aux obsèques de von Bülow. À cette occasion. il entendit « l’Ode de la résurrection » (Aufersteh’n) du poète allemand Klopstock. Puisant dans ce texte littéraire, Mahler composa un vaste mouvement avec chorale de plus d’une demi-heure. La symphonie fut créée à Berlin le 13 décembre 1895 avec le compositeur au pupitre. Bien que cette performance ne fit pas l’unanimité, — le public et les critiques étant mal préparés pour apprécier ses nouvelles harmonies — il n’en demeure pas moins que ce fut son premier grand succès, succès qui n’a jamais tari depuis.  La grande chorale du dernier mouvement invite la comparaison avec la Neuvième symphonie de Beethoven. Mahler aimait sa seconde symphonie, il la dirigea à moult reprises durant sa carrière.

Disque de Maureen Forrester

À l’instar des autres symphonies mahlériennes, la seconde exprime les préoccupations spirituelles du compositeur ayant trait à la souffrance humaine, la mort et le sens de la vie. Ces questions sont soulevées dans les trois premiers mouvements, autant dans la partition que dans ses propres notes de programme. À ses interrogations, il nous offre, en guise de réponse, sa propre croyance inébranlable en Dieu, la résurrection et la vie éternelle. Des cinq mouvements, le quatrième, « Urlicht » (Lumière originelle) est l’épicentre de l’œuvre bien qu’il ne dure que cinq minutes dans une œuvre d’un peu moins d’une heure et demie, «Urlicht » reste l’une des pages les plus transcendantes de tout le répertoire symphonique. On y entend la voix de contralto solo, d’abord chuchoter, puis entonner un texte tiré d’une collection de pièces vocales, les chants du « cor enchanté de l’enfant »,  Des Knaben Wunderhorn.

Oh petite rose rouge !
L’Homme gît dans la misère !
L’Homme gît dans la douleur !
J’aimerais plutôt être au Ciel.

Je suis arrivé sur une large route :
Un angelot est venu qui voulait m’en détourner.
Ah non ! Je ne m’en laissai pas détourner !
Je viens de Dieu et veux retourner à Dieu !
Le Dieu bien-aimé me donnera une petite lumière
Qui m’éclairera jusqu’à la bienheureuse vie éternelle !

Certes, les versions enregistrées de cette œuvre font légion à notre époque, mais l’une des plus importantes reste celle gravée en 1958 par Bruno Walter, édité à l’origine chez Columbia, mais disponible depuis chez Sony. Reconnu comme étant le grand spécialiste mahlérien du siècle dernier, Walter a non seulement été à l’emploi du compositeur à titre d’assistant, d’abord à Hambourg, puis à Vienne, mais il était en salle au moment de la première berlinoise en 1895. Fort de cette expérience, Walter a donc été en mesure de réaliser une interprétation qualifiée à juste de titre de « définitive ». Pour la voix solo, le maestro a choisi la jeune contralto canadienne Maureen Forrester, la préparant lui-même pour cette performance. Cette collaboration avec le réputé chef d’orchestre passe pour la plus importante de sa carrière; un fait remarquable puisqu’elle n’avait alors que 28 ans. Dans son autobiographie (Out of Character) 1986, Dame Forrester raconte qu’elle avait toujours chanté la musique de Mahler par attrait naturel. Elle souligne toutefois que sa sensibilité et celle du compositeur étaient fort différentes : elle était joyeuse de nature et Mahler était complexe, un génie tourmenté. Son inspiration provient d’une seule mesure jouée à la fin du troisième mouvement, passage qui l’émeut aux larmes et lui donne l’état d’âme nécessaire pour chanter son solo. « Dans ces quelques brefs moments, » renchérit-elle, « je puise tous ces souvenirs réprimés en mon for intérieur. Comme l’acteur qui prépare son rôle, je pense à toutes ces choses qui me rendent triste… d’où la possibilité d’entendre revivre dans ma voix un de ces moments évocateurs d’un désir inassouvi. »

Maureen Forrester

Compte tenu des grands succès remportés par cette collaboration, Maureen Forrester devint la soliste de choix de Bruno Walter au crépuscule de ses jours. Le Maestro l’invita d’ailleurs à sa résidence de Los Angles pour l’initier à d’autres oeuvres de Mahler, dont les Lieder eines Fahrenden Gesellen (Chants du compagnon errant) et Das Lied von der Erde (Le chant de la terre), deux opus importants dans la carrière de la chanteuse. « Urlicht »et « Abschied », (du Chant de la terre) devinrent les pierres angulaires de son répertoire, morceaux qu’elle chanta dans le monde entier. Toutefois, elle revint souvent à cette seconde symphonie jusqu’à la fin de sa carrière. Plus que toute autre version (en concert ou sur disque) avec d’autres chefs d’orchestre célèbres, son interprétation de 1958 avec Bruno Walter reste gravée à jamais dans les mémoires. C’est la version qui fait l’unanimité.

Liens

http://www.scena.org/lsm/sm11-5/Maureen_Forrester_fr.htm
http://www.canadianencyclopedia.ca/index.cfm?PgNm=TCE&Params=Q1ARTQ0001255
http://www.avtrust.ca/masterworks/2004/fr_soundrecording_1.htm
http://www.telefilm.gc.ca/data/production/prod_547.asp?cat=TV&g=DOC&y=2001

 

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